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«L’air de cette musique lui rappelait son enfance, cette époque si lointaine dans le temps et, pourtant, si proche dans son esprit… »
Cependant, la douleur des amers souvenirs d’autrefois s’était peu à peu assouplie, son intensité initiale s’étant apaisée dans le courant des années. La maladie et la vieillesse lui avaient apporté une autre perspective de l’existence, puisqu’elles sont tellement égoïstes qu’elles ne laissent aucune place à d’autres sentiments plus puissants. En effet, quand on lutte pour la vie à présent, il vaut mieux se rappeler les beaux souvenirs que la haine. Car, même dans la période la plus ténébreuse, il existe toujours une lueur d’espoir, de petits étincellements qui donnent la force nécessaire pour survivre à la folie et à la catastrophe.
Mais la guerre, aux yeux d’un enfant, n’était pas un dangereux bouleversement, mais plutôt une aventure. Les bombardements étaient des feux d’artifice et, les premières semaines d’occupation, une opportunité pour faire l’école buissonnière. Néanmoins, sa mère murmurait constamment et son père fumait, nerveux, des cigarettes, l’une après l’autre. Accrochés à la radio, des nouvelles épouvantables retentissaient dans la pièce, en déposant une ombre de consternation sur leurs visages.
Le jour d’hiver où son père a été convoqué à la Préfecture, cela a été la dernière fois qu’il l’a vu. Trois jours plus tard, sa mère, le regard perdu, lui a dit: « Maintenant nous sommes tout seuls. Il faudra se débrouiller ». À la radio, « Tu es partout » sonnait dans la voix d’une femme affligée mais courageuse, comme sa mère, comme tout le pays.
La même mélodie qu’il écoute aujourd’hui à côté de son lit. Peut-être, la dernière chanson de sa vie.
MIGUEL MARTÍNEZ BALLESTEROS.
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