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* Margarita ABARCA *
DREAMER: AU COIN DU MONDE
1. M’étant
allongé sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le
temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est
brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements
déchirés, son
livre obtus par terre, la lumière –encore allumée–, sa chanson retentissante –intime
dans ma tête–, la cheminée chuchotant ses derniers grains de folie…; sur le
plat, son sourire dans mes pupilles, l’odeur de son âme dans la chambre…
Aussitôt la petite feuille à l’encre s’est
reposée comme une plume d’un oiseau sur le sol, je l’ai prise, au-delà du livre,
et je l’ai relue: «Je veux déjeuner par
terre… t’embrasser aux yeux ouverts dans
mon jardin d’hiver», son cadeau préféré pour changer d’atmosphère.
Les aiguilles roulent… les heures, les
jours et les semaines. J’attends impatiemment le premier jour de chaque mois
avant que tu reviennes pour t’embrasser comme tu me disais qu’il te plairait.
Ce matin, j’ai jeté nos «Restos du cœur»
à la poubelle… J’ai envie de toi! Je n’en peux plus de t’attendre…
Notre rendez-vous sera comme notre
première gorgée de bière. Par tout un rituel: je te toucherai avec tendresse,
je caresserai ta peau, je sentirai tes bras pliant un livre sur mes épaules et
nous deux ensemble ferons courir les eaux au long de golfs clairs, alors que
nous nous souviendrons «des regards qui
nous feront perdre le fil… par un petit vent de folie»; les feuilles, les
accords, nos rêves… la vie qui pénètre… la tienne, la mienne, la raison… ta chair et ma peau.
Et je saurai que tu aurais voulu que je
t’avoue que je t’aime.
* Pedro
CHARCOS *
VERS TOI
2. M’étant allongé
sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le temps
s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est
brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements
déchirés et son cri effrayant et angoissé qui a éclaté dans le ciel de la nuit
parisienne.
Bouleversé au
plus profond de mon âme, je commence une course effrénée qui me mène jusqu’à
toi, jusqu’à ton corps brutalement meurtri, étalé sur le sol froid du Pont
Neuf. Là-bas, je suis le seul témoin de ta souffrance, le seul à écouter ta
lamentation amère:
- Pourquoi tant de douleur? Pourquoi tant de violence déchaînée?
Je serre ta main
tremblante sur laquelle un fil de sang glisse et, au fur et à mesure que je te relève,
mes yeux découvrent la rage et la colère dessinées dans ton regard.
- Nous sommes devenues la proie la plus convoitée par ces prédateurs dépourvus de la moindre sensibilité.
Des ombres
macabres disparaissent dans l’obscurité après avoir essayé de commettre le plus
obscène des actes: réduire la source inépuisable de l’amour à un simple instrument avec lequel combler sa soif
indécente de plaisir.
- Nous reste-t-il encore un peu d’espoir?
- Libératrice et pleine d’énergie, il nous reste la parole. Nous sommes
prêts à lancer notre message aux quatre vents, à rendre universelle notre
clameur: Arrêtez le harcèlement! Plus de victimes! Plus d’humiliation!
Main dans la main, tous ensemble, nous avancerons avec courage et ténacité. Les
détenteurs de la haine et de la force auront beau vouloir nous arrêter, ils n’y
réussiront jamais.
Sous le ciel
étoilé de Paris, ton regard s’illumine peu à peu… Je veux deviner une nouvelle
image dans tes yeux: l’image d’un avenir à la mesure de tes rêves où le vent de
notre ferme détermination nous portera.
* Verónica CRESPO *
JUSTE UN REGARD
3. M’étant allongé
sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le temps
s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est
brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements
déchirés… et ce jour-là, où je l’ai rencontrée pour la
première fois, quelques ans auparavant, sur le quai de la gare, seule et
égarée. Sous la faible lumière du réverbère son aspect semblait celui d’un
esprit souffrant, les yeux impénétrables et mystérieux lui donnant l’air d’une
songeuse. C’était une image attachante comme je n’en avais jamais vu.
D’ailleurs, l’état pénible de ses vêtements et sa longue chevelure en
bataille, comme un navire dans une
tempête, témoignaient d’un épisode obscur et d’un tourbillon émotionnel qui
m’ont profondément ému. Quand bien même j’aurais voulu détacher mes yeux d’elle,
son allure féerique m’aurait hypnotisé. Quitte à être rejeté, un élan
incontrôlable m’a mené vers elle sans y réfléchir.
Depuis ce moment-là, les
années de bonheur ensemble se sont écoulées plus rapidement que je ne l’avais
pensé… Jusqu’au jour où je l’ai découverte contemplant la rue à travers la
vitre de la fenêtre, le regard éloigné. À ce moment précis, j’ai tout compris:
n’ayant pas besoin d’aveux, un désir incontrôlable de s’enfuir bouillait en
elle sans que personne ne puisse l’empêcher. Même pas moi.
À présent, dans la solitude sombre de ma
chambre, la sonnerie des cloches s’empare du silence et résonne dans ma tête.
Des images troublantes reviennent vers moi et m’offrent à nouveau des
sensations dont je n’arriverai jamais à me débarrasser. Il ne me reste plus que
le souvenir de ses yeux, auxquels je m’accrocherai de toutes mes forces. Ce
seront eux, énigmatiques, infranchissables, qui soulageront le chagrin de son
absence.
* Patricia
MORENO *
LE
SILENCE
4. M’étant
allongée sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincue et je n’ai pas senti le
temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillée. Et voilà… tout
m’est brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses
vêtements déchirés…
Il y régnait un silence de mort.
Le même silence qui, à
l’époque, avait attrapé la salle sans même lui donner le temps de se lever et
d’allumer la lampe. Les sons de la nuit avaient envahi la chambre, le bruit
insupportable du moteur du réfrigérateur, les rumeurs des voitures dans la rue,
le fracas incessant du tic-tac du réveille-matin. Tout remplissait la pièce en
se convertissant en prélude de la menace inaccomplie.
Marie savait qu’il viendrait
pour tenir sa parole, ce qui lui produisait un sentiment de culpabilité qui la
pressait jusqu’à lui provoquer une douleur aiguë à l’estomac. Le téléphone
était tout près d’elle; peut-être avait-elle encore du temps pour demander de
l’aide mais elle n’était pas capable de sortir du lit. La jeune femme avait
besoin du silence de ses propres conseils; elle était enchaînée à un avenir
incertain qui –maintenant, elle
en était convaincue– lui faisait ne plus vouloir vivre.
La belle femme avait partagé
des années à son côté, des années d’une vraie passion affolée, des années près
d’un inconnu qui n’avait pas supporté la voir quitter la maison; ni son corps
ni son esprit ne voulaient rester plus de temps près de cet homme.
Maintenant, après un certain temps,
elle savait que tout était sur le point de finir. Elle attendait, d’une
attente pleine de courage, de détermination,
de patience et, même, d’un peu d’espoir.
Il y a eu un long silence,
suivi d’un autre silence, puis un autre, plus prolongé, un de ces silences
terribles quand on sait que quelque chose cloche… Et c’est à ce moment-là que
quelqu’un a commencé à forcer la serrure de la porte.
Puis encore une fois, un très
long silence…
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