jeudi 26 avril 2018

RÉDACTIONS DU CONCOURS

B2


* Margarita ABARCA *
DREAMER: AU COIN DU MONDE
1. M’étant allongé sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements déchirés, son livre obtus par terre, la lumière –encore allumée–, sa chanson retentissante –intime dans ma tête–, la cheminée chuchotant ses derniers grains de folie…; sur le plat, son sourire dans mes pupilles, l’odeur de son âme dans la chambre…
Aussitôt la petite feuille à l’encre s’est reposée comme une plume d’un oiseau sur le sol, je l’ai prise, au-delà du livre, et je l’ai relue: «Je veux déjeuner par terre…  t’embrasser aux yeux ouverts dans mon jardin d’hiver», son cadeau préféré pour changer d’atmosphère.
Les aiguilles roulent… les heures, les jours et les semaines. J’attends impatiemment le premier jour de chaque mois avant que tu reviennes pour t’embrasser comme tu me disais qu’il te plairait.
Ce matin, j’ai jeté nos «Restos du cœur» à la poubelle…  J’ai envie de toi!  Je n’en peux plus de t’attendre…
Notre rendez-vous sera comme notre première gorgée de bière. Par tout un rituel: je te toucherai avec tendresse, je caresserai ta peau, je sentirai tes bras pliant un livre sur mes épaules et nous deux ensemble ferons courir les eaux au long de golfs clairs, alors que nous nous souviendrons «des regards qui nous feront perdre le fil… par un petit vent de folie»; les feuilles, les accords, nos rêves… la vie qui pénètre… la tienne, la mienne, la raison…  ta chair et ma peau.
Et je saurai que tu aurais voulu que je t’avoue que je t’aime.


* Pedro CHARCOS *
VERS TOI
2. M’étant allongé sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements déchirés et son cri effrayant et angoissé qui a éclaté dans le ciel de la nuit parisienne.
Bouleversé au plus profond de mon âme, je commence une course effrénée qui me mène jusqu’à toi, jusqu’à ton corps brutalement meurtri, étalé sur le sol froid du Pont Neuf. Là-bas, je suis le seul témoin de ta souffrance, le seul à écouter ta lamentation amère:
-       Pourquoi tant de douleur? Pourquoi tant de violence déchaînée?
Je serre ta main tremblante sur laquelle un fil de sang glisse et, au fur et à mesure que je te relève, mes yeux découvrent la rage et la colère dessinées dans ton regard.
-       Nous sommes devenues la proie la plus convoitée par ces prédateurs dépourvus de la moindre sensibilité.
Des ombres macabres disparaissent dans l’obscurité après avoir essayé de commettre le plus obscène des actes: réduire la source inépuisable de l’amour à un simple  instrument avec lequel combler sa soif indécente de plaisir.
-       Nous reste-t-il encore un peu d’espoir?
-       Libératrice et pleine d’énergie, il nous reste la parole. Nous sommes prêts à lancer notre message aux quatre vents, à rendre universelle notre clameur: Arrêtez le harcèlement!  Plus de victimes! Plus d’humiliation! Main dans la main, tous ensemble, nous avancerons avec courage et ténacité. Les détenteurs de la haine et de la force auront beau vouloir nous arrêter, ils n’y réussiront jamais.
Sous le ciel étoilé de Paris, ton regard s’illumine peu à peu… Je veux deviner une nouvelle image dans tes yeux: l’image d’un avenir à la mesure de tes rêves où le vent de notre ferme détermination nous portera.
* Verónica CRESPO *
JUSTE UN REGARD
3. M’étant allongé sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincu et je n’ai pas senti le temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillé. Et voilà… tout m’est brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements déchirés…  et ce jour-là, où je l’ai rencontrée pour la première fois, quelques ans auparavant, sur le quai de la gare, seule et égarée. Sous la faible lumière du réverbère son aspect semblait celui d’un esprit souffrant, les yeux impénétrables et mystérieux lui donnant l’air d’une songeuse. C’était une image attachante comme je n’en avais jamais vu. D’ailleurs, l’état pénible de ses vêtements et sa longue chevelure en bataille,  comme un navire dans une tempête, témoignaient d’un épisode obscur et d’un tourbillon émotionnel qui m’ont profondément ému. Quand bien même j’aurais voulu détacher mes yeux d’elle, son allure féerique m’aurait hypnotisé. Quitte à être rejeté, un élan incontrôlable m’a mené vers elle sans y réfléchir.
Depuis ce moment-là, les années de bonheur ensemble se sont écoulées plus rapidement que je ne l’avais pensé… Jusqu’au jour où je l’ai découverte contemplant la rue à travers la vitre de la fenêtre, le regard éloigné. À ce moment précis, j’ai tout compris: n’ayant pas besoin d’aveux, un désir incontrôlable de s’enfuir bouillait en elle sans que personne ne puisse l’empêcher. Même pas moi.
 À présent, dans la solitude sombre de ma chambre, la sonnerie des cloches s’empare du silence et résonne dans ma tête. Des images troublantes reviennent vers moi et m’offrent à nouveau des sensations dont je n’arriverai jamais à me débarrasser. Il ne me reste plus que le souvenir de ses yeux, auxquels je m’accrocherai de toutes mes forces. Ce seront eux, énigmatiques, infranchissables, qui soulageront le chagrin de son absence.


* Patricia MORENO *
LE SILENCE
4. M’étant allongée sur le canapé, le sommeil m’a enfin vaincue et je n’ai pas senti le temps s’écouler jusqu’à ce que les cloches m’aient réveillée. Et voilà… tout m’est brutalement revenu à nouveau: son regard perdu, son sac ouvert, ses vêtements déchirés… Il y régnait un silence de mort.
Le même silence qui, à l’époque, avait attrapé la salle sans même lui donner le temps de se lever et d’allumer la lampe. Les sons de la nuit avaient envahi la chambre, le bruit insupportable du moteur du réfrigérateur, les rumeurs des voitures dans la rue, le fracas incessant du tic-tac du réveille-matin. Tout remplissait la pièce en se convertissant en prélude de la menace inaccomplie.
Marie savait qu’il viendrait pour tenir sa parole, ce qui lui produisait un sentiment de culpabilité qui la pressait jusqu’à lui provoquer une douleur aiguë à l’estomac. Le téléphone était tout près d’elle; peut-être avait-elle encore du temps pour demander de l’aide mais elle n’était pas capable de sortir du lit. La jeune femme avait besoin du silence de ses propres conseils; elle était enchaînée à un avenir incertain qui               –maintenant, elle en était convaincue– lui faisait ne plus vouloir vivre.
La belle femme avait partagé des années à son côté, des années d’une vraie passion affolée, des années près d’un inconnu qui n’avait pas supporté la voir quitter la maison; ni son corps ni son esprit ne voulaient rester plus de temps près de cet homme.
Maintenant, après un certain temps, elle savait que tout était sur le point de finir. Elle attendait, d’une attente  pleine de courage, de détermination, de patience et, même, d’un peu d’espoir.
Il y a eu un long silence, suivi d’un autre silence, puis un autre, plus prolongé, un de ces silences terribles quand on sait que quelque chose cloche… Et c’est à ce moment-là que quelqu’un a commencé à forcer la serrure de la porte.
Puis encore une fois, un très long silence…